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Droit du travail avril 2013

 ˜PÉRIODE D’ESSAI

Plusieurs décisions récentes de la Cour de cassation précisent et renforcent l’encadrement de la période d’essai.

La durée des périodes d’essai

La Cour de cassation s’est appuyée sur la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail sur le licenciement pour déclarer que la durée de la période d’essai doit être raisonnable au regard de l’exclusion des règles du licenciement.

 

 

ëRappel du droit :

Depuis la loi du 25 juin 2008, le code du travail s'est enrichi de dispositions nouvelles relatives à l'essai et notamment à sa durée. Ainsi, la durée maximale de la période d'essai est de 2 mois pour les ouvriers et les employés, de 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens et de 4 mois pour les cadres (Article L1221-19 du Code du travail).

La durée de la période d’essai pourra être renouvelée une fois si un accord de branche le prévoit, sans toutefois dépasser le double des durées maximales fixées par la loi. (L1221-21 du Code du travail).

Les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-21 ont un caractère impératif, à l'exception notamment de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi du 25 juin 2008.

 

ëPrécisions de la Cour de cassation :

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de déclarer, au visa de la Convention n°158 de

l’OIT, que la durée d’un an de la période d’essai prévue par la Convention collective du Crédit agricole était déraisonnable au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles du licenciement durant cette période. (Cass. Chambre sociale, 4 juin 2009, n°08-41.359). La Cour de cassation a rendu une solution similaire concernant un salarié cadre. (Cass. Chambre sociale, 11 janvier 2012, n°10-17.947).

 

Quelques mois plus tard, la Cour avait franchi un cap supplémentaire en bannissant les périodes d'essai d'une durée de six mois. (Cass. Chambre sociale, 10 mai 2012, n°10-28.512, Désert-Lacay c/ CRCAM Pyrénées-Gascogne).

 

ðLa Cour de cassation adopte une position restrictive lorsqu’il s’agit d’apprécier les durées des périodes d’essai.

 

ðLes décisions rendues sur la durée maximale raisonnable de l'essai invitent les partenaires sociaux à hâter la survenue des négociations sur cette question lorsque les durées conventionnelles ne sont pas respectueuses des limites édictées par la loi.

 

À noter!

Le 26 mars dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt s’inscrivant dans la droite ligne des décisions suscitées. Elle s’est exprimée sur un contrat de travail soumis à une législation étrangère.

 

La Cour de cassation a précisé que même si les parties peuvent, en application de la Convention de Rome choisir la loi applicable au contrat de travail, celles-ci restent soumises aux règles impératives du lieu d’exécution de ce contrat.

La Haute Cour rappelle alors que l’article 2 de la Convention de l’OIT est une disposition impérative et qu’elle s’impose aux contrats exécutés en France.

 

Dans cette affaire, le contrat concerné avait été exécuté en France pendant l’intégralité de la durée contractuelle. Par conséquent, la cour de cassation a pu décider que la période d’essai, dont la durée, renouvellement inclus, atteignait un an, est déraisonnable.

(Cass. Chambre Sociale, 26 mars 2013, n°11-25.580)

 

 

Rupture du contrat pendant la période d’essai

Plus récemment, la Cour de cassation a précisé que la rupture du contrat de travail par l’employeur avant la fin de la période d’essai sans respect du délai de prévenance n’est pas assimilable à un licenciement. (Cass. Chambre sociale, 23 janvier 2013, n°11-23.428, Mme X. / Sté Performance marketing.)

 

 

 

 

 

ëRappel du droit :

La loi du 25 juin 2008 a introduit dans le Code du travail l’obligation pour l’employeur qui souhaite rompre la période d’essai de respecter un délai de prévenance (Article L1221-25 du Code du travail).

ëApplication du droit à l’espèce :

Une salariée est engagée le 15 octobre 2008 par une société avec une période d’essai de trois mois, renouvelée pour la même durée. L’employeur met fin à son contrat le dernier jour de sa période d’essai et l’informe que le délai de prévenance d’un mois courant à compter de cette date lui sera payé.

La Cour de cassation constate que la rupture du contrat de travail a eu lieu avant la fin de la période d’essai et en déduit naturellement que la rupture ne s’analyse pas en un licenciement, même si l’employeur ne respecte pas le délai de prévenance.

ðCette décision met fin à l’incertitude qui pesait sur la qualification juridique de la rupture de la période d’essai en cas de non-respect du délai de prévenance.

 

ðUne interrogation reste en suspens : Quelle sanction correspond à la violation du non-respect du délai de prévenance par l’employeur ?

 

ðCertaines décisions laissent supposer que l’employeur pourrait être condamné à verser des dommages-intérêts qui correspondraient au préavis non effectué.


 


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˜LIBERTÉ D’EXPRESSION


La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de réaffirmer la teneur de la liberté d’expression du salarié.

La liberté d’expression a, depuis 1992, intégré le corpus des droits et libertés fondamentaux dont le respect est garanti au salarié en temps et lieux de travail.

Comme toutes les libertés, la liberté d’expression connaît une restriction : l’abus.

 

Critiques d’un salarié et faute grave

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation rappelle, au visa de l’article L1121-1 du Code du travail que « sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression » et « qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ».

(Cass. Chambre sociale, 27 mars 2013, n°11-19.734, FS-P + B)

 

ëRappel du droit :

L’article L1221-1 du Code du travail prévoit que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

L’abus de la liberté d’expression a été défini par de nombreux arrêts de jurisprudence comme étant des propos « injurieux, diffamatoires ou excessifs ». (Cass. Chambre sociale, 30 octobre 2002, n°00-40.868)

Les critiques émises par un salarié à l’égard de son directeur ne sont pas constitutives d’une faute grave dès lors qu’elles sont mesurées et exclusivement adressées à ses supérieurs hiérarchiques. (Cass. Chambre sociale, 8 février 2000).

 

ëApplication du droit à l’espèce :

Un directeur commercial détail a été licencié pour faute en raison de l’envoi d’une lettre aux membres du conseil d’administration et aux dirigeants de la société mère, dénonçant les dysfonctionnements de l’entreprise.

Les propos tenus par le salarié dans sa lettre, tels que « décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l’entreprise », « désordre interne, détournement, abus d’autorité, conséquences financières et sociales désastreuses », avaient été jugés comme des propos violents et dénués de nuance par la Cour d’appel.

ðCette décision n’est pas nouvelle puisque la Cour de cassation avait déjà rejeté la qualification de faute grave dans une affaire où la Cour d’appel avait jugé que les termes « sournois » et « hasardeux » étaient des termes injurieux et péjoratifs.

 

ðCependant, elle s’inscrit dans le courant de protection de la liberté d’expression du salarié.

En effet, de nombreuses décisions de la Cour de cassation concernent les lettres adressées aux supérieurs hiérarchiques.

Il apparaît clairement que la Cour de cassation entend préserver et soutenir le droit pour le salarié de critiquer l’entreprise et ses dirigeants, même en termes vifs.

 

À noter!

La Cour est beaucoup moins tolérante lorsque le salarié critique la société ou ses dirigeants publiquement, dans la presse ou auprès de ses clients.

Caractère public ou privé des déclarations sur Facebook :

 

La Cour de cassation s’exprime pour la première fois sur le caractère public ou privé des propos tenus par un salarié sur Facebook.

(Cass. 1ère civile, 10 avril 2013, n°11-19.530)

Comme précisé précédemment, il apparaît que la Cour de cassation est moins tolérante lorsque les critiques formulées par le salarié ont un caractère public.

Cependant, il restait à définir la notion de publicité des propos tenus par le salarié.

ëApplication du droit à l’espèce :

Une entreprise et sa gérante ont assigné en justice une ancienne salariée en paiement de dommages-intérêts pour avoir publié des propos qu’elles qualifient d’injures publiques sur divers réseaux sociaux accessibles sur Internet.

Sur le mur de son profit Facebook et sur MSN, la salariée préconisait « l’extermination des directrices chieuses ».

Les propos avaient été diffusés sur Facebook et MSN sur des comptes accessibles qu’à ses seuls « amis » ou « contacts ».

La Cour d’appel de Paris et la Cour de cassation considèrent que les propos litigieux ne sont pas des injures publiques car les propos n’étaient accessibles qu’aux seules personnes agréées par la salariée, qui formait une « communauté d’intérêt ».

ðCette décision permet de supposer que l’injure publique aurait pu être retenue si les propos de la salariée avaient été tenus sur un profil ouvert à tous.

 

ðLa décision émane de la Chambre civile et son impact sur le droit du travail n’est pas encore tout à fait connu.

 

˜RENONCIATION A LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE

 


La Cour de cassation a rendu une décision qui institue un nouveau régime applicable à la renonciation à la clause de non-concurrence en cas de dispense de préavis.

(Cass. Chambre sociale, 13 mars 2013, n°11-21.150)

ëRappel du droit :

La Cour de cassation avait déjà énoncé « qu’en cas de licenciement du salarié avec dispense d’exécution de son préavis, la date de départ de l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité, sont celle du départ effectif du salarié de l’entreprise ».

ëApplication du droit à l’espèce :

Un salarié est engagé par contrat de travail assorti d’une clause de non-concurrence dont il peut être libéré par l’employeur « soit à tout moment au cours de l’exécution du contrat, soit à l’occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée. »

Après avoir démissionné, le salarié quitte l’entreprise le 23 janvier 2009 et son employeur le libère de sa clause de non-concurrence par courrier du 6 février 2009.

La Cour de cassation décide dans cet arrêt « qu’en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence et la date à laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise. »

La Cour de cassation ajoute que « l’employeur qui dispense le salarié de l’exécution de son préavis, doit, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires ».

ð Par cette décision, la Cour de cassation étend la solution issue de l’arrêt du 22 juin 2011 précité, à toute forme de rupture du contrat de travail.

ðL’ajout par la Cour de cassation d’un nouveau délai de renonciation pour l’employeur est l’apport essentiel de l’arrêt car il s’applique « nonobstant stipulations ou dispositions contraires ».

L’arrêt met donc fin aux multiples applications de ce délai de renonciation, selon qu’il existait ou non des stipulations contractuelles ou des dispositions conventionnelles.

 

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